Alfred Fabre-Luce, dont la vie et l'œuvre se confondent avec les avatars politiques du XXe siècle, a fait partie, avec Raymond Aron, Emmanuel Berl et Bertrand de Jouvenel, d'un quatuor peu apparent, mais très soudé, d'écrivains politiques le plus souvent à contre-courant de leurs contemporains.
Dès les années 1920, il fut, très jeune, introduit par Jacques Rivière et Albert Thibaudet à la NRF et aux Décades de Pontigny où il se fit connaître comme un apôtre de la réconciliation franco-allemande avec son livre La Victoire.
A partir des années 1950, il fut un militant inlassable de la construction européenne et, dans les années 1960, un observateur critique, comme beaucoup à droite et à gauche, de la monarchie gaullienne.
L'œuvre de Fabre-Luce n'a pas été rééditée depuis sa mort en 1983. Il a eu à souffrir de ses prises de positions discutables sous l'Occupation. Elles lui avaient même valu, bien qu'il ait été incarcéré par les Allemands en 1943, d'autres ennuis à la Libération.
Il n'en a pas moins, dès les années 1950, retrouvé avec Raymond Aron les voies d'une relation ancienne et d'un dialogue confiant, mais sans concession, qui avaient été interrompus pendant la guerre. Leur correspondance suivie et dense est un fil conducteur exceptionnel dans tous les grands débats intellectuels, politiques et littéraires du siècle qui vient de s'achever.
Alfred Fabre-Luce compte parmi les esprits les plus libres du XXe siècle. Il est enfin un grand polémiste qui participa à toutes ses grandes controverses. Il donna des coups, mais en reçut aussi beaucoup, ce qui donne à son œuvre, outre les attraits d'une grande culture, une saveur incomparable d'impétuosité et de vie.