Qui était Albert Speer ? Poser la question, c'est faire émerger toute l'histoire de l'Allemagne entre 1933 et 1945.
Car Speer, né en 1905 à Mannheim dans la haute bourgeoisie libérale, fut à la fois l'architecte et le confident de Hitler, le ministre de l'Armement et, à partir de 1943, le maître de l'économie de guerre, ce qui fait de lui le deuxième personnage du régime. En 1944, il est mis sur la touche par les SS avant de revenir en grâce, d'empêcher la politique jusqu'au-boutiste de Hitler, de choisir de rester au côté de son maître en avril 1945 et, à Nuremberg, d'endosser sa part de responsabilité dans les crimes du Reich. Il passera vingt ans en prison. Reste à comprendre, et c'est l'apport exceptionnel de ce livre, comment a pu se nouer et se développer la relation, presque une fascination réciproque, entre Hitler et Speer. Car Speer est plus qu'un carriériste, c'est lui qui invente la mise en scène nazie, se déclare partisan de la guerre totale et participe à l'élimination des Juifs de Berlin, toutes choses que révèle le livre de Fest. C'est lui encore qui, jusqu'en 1944, écarte ses rivaux (Goering, Himmler) et devient une sorte d'alter ego du Führer, grâce à son art consommé des intrigues. Le IIIe Reich y apparaît comme un régime où la brutalisation systématique des individus voisinait avec le tragique le plus burlesque dans l'entourage du Führer.
Sous la plume de Fest, Speer est enfin démasqué : architecte d'un Reich qu'il imagine longtemps éternel, ami de Hitler jusqu'à la passion et seul capable de lui désobéir, stratège politique hors pair à Berlin comme à Nuremberg, il incarne le criminel nazi dans sa monstrueuse perfection.
Joachim Fest a conquis la célébrité voilà trente ans en publiant une biographie de Hitler, à la fois best-seller mondial et ouvrage de référence encore aujourd'hui. Il a également rencontré, interrogé et aidé Albert Speer pour la publication de ses mémoires.