Un petit d'homme qui reçoit tout de sa famille
5/5 lafautearousseau
.----. Cette recension du livre d'Axel Tisserand, Actualité de Charles Maurras a été publiée dans le Figaro magazine du 24.05. En quelques remarques concises, elle nous semble dire l'essentiel sur l'ouvrage d'Axel Tisserand et, par là-même, sur la pensée anthropologique et politique de Charles Maurras. Raison de plus, d'ailleurs, pour lire les publications de Rémi Soulié lui-même.
Si l'inscription de Charles Maurras (1868-1952) aux Commémorations nationales de 2018 a provoqué la polémique, son inscription dans l'histoire de la pensée, elle, est acquise.
Axel Tisserand le démontre remarquablement dans un essai très argumenté mais, plus encore, il analyse l'actualité de l'anthropologie du Martégal car « Maurras, écrit le philosophe, c'est une anthropologie avant d'être une politique » - dont il affronte d'ailleurs les aspects les plus contestables, en particulier l'antisémitisme.
A l'heure du transhumanisme, de la PMA et de la GPA - soit de la marchandisation des corps et de la déshumanisation en cours -, n'avons-nous pas besoin d'une pensée de la « loi naturelle » qui borne les insatiables désirs individuels et garantit le bien commun de la cité ? C'est elle, contre les nuées rousseauistes, que défend Maurras.
Pas de contrat à l'origine de la société, mais un petit d'homme qui reçoit tout de sa famille, notamment, la « grâce » de « l'amour », le langage et la protection.
C'est à partir de ce donné de la naissance et de l'amitié politique des familles rassemblées que Maurras pense le « nationalisme intégral ».
C'est-à-dire la monarchie.
Rémi Soulié, écrivain, essayiste, critique littéraire, collaborateur du Figaro Magazine, est, entre autres, l'auteur de Nietzsche ou la sagesse dionysiaque, Pour saluer Pierre Boutang, De la promenade : traité, Le Vieux Rouergue. Et Racination, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, 2018.
À lire ... Pour saluer Pierre Boutang, Rémi Soulié, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 140 pages.
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Magnifique, limpide et haute leçon de maurrassisme intégral
5/5 Boulevard Voltaire
.----. Axel Tisserand, philosophe nourri à la source vive et pure des plus classiques humanités, ayant soutenu, en 2002, une thèse remarquée sur Aristote, Boèce. Logique médiévale et théologie chrétienne, élève de Pierre Boutang, lui-même disciple du Martégal, nous dispense, avec son Actualité de Charles Maurras (sous-titré « Introduction à une philosophie politique pour notre temps ») une magnifique, limpide et haute leçon de maurrassisme intégral, c'est-à-dire intègre, exhaustive et à l'usage théorique et pratique des générations qui viennent. Ce faisant, s'inscrit-il dans le sillage tracé par son lointain devancier Albert Thibaudet qui, il y a cent ans, avait écrit un magistral Les Idées de Charles Maurras, désormais illisible pour qui se trouve dénué de latin et de grec.
Aucune question n'y est éludée, pas même celle - sensible, épineuse, épidermique jusqu'à l'hystérie - de « l'antisémitisme imaginaire » de Maurras qui, en nos temps tyranniques de terne monochromie politiquement correcte, suffit à dilacérer l'enfant de Martigues et à le jeter dans les eaux fangeuses de l'abjection et de l'ignominie. Prenant soin de déminer le terrain, Tisserand n'y consacre pas moins de 80 pages, expliquant, d'une part, que l'on se condamne aux pires contresens si l'on s'obstine à décontextualiser l'antisémitisme maurrassien d'une époque où il était, à gauche comme à droite, largement « posé dans le débat politique et n'interdisait pas […] le dialogue, la disputatio », d'autre part, que cet antisémitisme, exclusivement politique, n'était que la conséquence injustement nécessaire - mais froidement (certes tristement) logique - du nationalisme intégral - celui-ci défendant, indissociablement, le principe d'une monarchie héréditaire, traditionnelle, antiparlementaire et décentralisée. Maurras, lui-même - qui aura manqué sa rencontre avec Péguy -, s'est, par surcroît, toujours fermement défendu de tout racialisme pseudo-scientifique, comme en attestent ses propres mots écrits dans L'Action française du 18 février 1937 (Hitler était alors au pouvoir depuis 1933) : « L'antisémitisme est un mal, si l'on entend par là cet antisémitisme "de peau" qui aboutit au pogrom… » .
En outre, insistant sur la dimension éminemment anthropologique de la doctrine maurrassienne, l'auteur opère un substantiel passage en revue de tous les concepts (politique naturelle, « politique d'abord », nationalisme intégral, inégalité protectrice, fédéralisme…), souvent galvaudés et, la plupart du temps, incompris, qui innervent cette pensée foisonnante directement inspirée de la phusis aristotélicienne. Si Carl Schmitt et Julien Freund nous ont enseigné, respectivement, l'existence et l'essence du politique, c'est à Maurras, adossé à la sagesse des expériences passées (le fameux et trop oublié, bien qu'omniprésent, « empirisme organisateur »), que l'on doit d'avoir dégagé les lois fondamentales (c'est-à-dire naturelles) qui la gouvernent et justifient, logiquement, sa transmutation du masculin ontologique au féminin ontique. La politique est le suprême souci du bien commun.
Tisserand rappelle comment le « maurrassisme » n'est pas seulement une appellation commode - bien que susceptible d'abus entre des mains ignorantes -, tant l'on oublie volontiers que ce corps de doctrine à l'édification duquel ont tout aussi bien contribué Bainville, Daudet ou Boutang menait tout droit à la solution monarchique à laquelle le mouvement Action française consacra tous ses efforts, dans la rue comme sur le marbre typographique de son journal. La « France seule » ne signifiait donc pas autre chose que l'intérêt bien compris de ce « nous » multiséculaire qui s'est forgé sous le regard équanime de ses rois, ses « pères » préoccupés de défendre la Cité, c'est-à-dire principalement de la gouverner.
La pensée de Charles Maurras, à propos de laquelle tant de sottises ont été proférées et ne cessent, encore, hélas, d'être déversées par tous les clercs qui ne l'ont évidemment jamais lu, a trouvé son livre. Définitif. Indispensable. Incontournable. Nous en savons infiniment gré à son auteur.
<p align="right">Aristide Leucate - Boulevard Voltaire 13 mai 2019 <a href= https://www.bvoltaire.fr/ target=_blank>www.bvoltaire.fr</a>