ÉDITORIAL : Il peut paraître saugrenu, aujourd'hui, d'imaginer ou de supposer qu'il puisse y avoir un fil conducteur, à deux siècles et demi d'écart, reliant la philosophie dite « des Lumières » du XVIIIe siècle à l'immigration contemporaine en Europe qui prend des proportions inquiétantes ! Et pourtant... pourtant, en observant les motifs et les raisons pour lesquelles s'est tenue le 10 décembre 2018 la conférence intergouvernementale, réunissant 150 pays du monde, pour s'achever en un accord conclu sous le titre de « Pacte de Marrakech », nous sommes en droit de n'être ni étonnés, ni même dupes. En effet, cette entente n'est que l'aboutissement d'un phénomène de flux migratoire qui conduit vers l'Europe des centaines de milliers de populations exogènes (pour des motifs d'ailleurs aussi divers que le sont leurs pays d'origine). À ce propos, il est à souligner que les accords ont été entérinés sous deux formes distinctes : - Pacte sur les migrations - Pacte sur les réfugiés pour lesquels nous serions curieux que nous soit précisée la nuance qu'il peut y avoir entre les deux appellations ! Pierre Romain, dans son analyse du phénomène (pages 48 à 50), constate qu'il y a tout de même de quoi s'interroger sur les buts de ces deux pactes, puisque les États libres (ou le peu qu'il en reste) estiment que dans leur contenu « a été actée l'idée d'invasion au nom des bons sentiments - voire de la charité chrétienne » (lire en complément « Les positions du pape » de Claude Vignon, dans les pages suivantes). En réalité ces pactes ne sont qu'une mesure directe contre le principe de souveraineté nationale. Nous y voilà : le soutien mondialiste à ces flux de populations n'est que l'expression de la filiation qui existe entre « l'esprit des Lumières » et notre époque. C'est ce qu'il faut conclure après avoir lu l'important et nécessaire article de Sébastien Colinet ayant trait à Élie Fréron, peu connu de nos jours, mais combien perspicace pour discerner le fond de la pensée de Voltaire (pp. 29 à 45), une des chevilles ouvrières des causes et origines de la révolution de 1789, dont nous subissons toujours aujourd'hui les fruits amers. Fréron fut tellement lucide dans ses analyses que les « philosophes s'acharnèrent à faire le vide autour de lui : ils le diabolisèrent, l'isolèrent et l'affamèrent. Ils voulaient, selon le mot de Voltaire, " le réduire à la mendicité " ». Il y a quelques années (2014) dans son remarquable livre Voltaire. Une imposture au service des puissants (Éditions Kontre Kulture), Marion Sigaut a fort bien analysé le personnage : « Ce chantre de la liberté que l'on doit (aujourd'hui) mettre en avant pour légitimer la démocratie libérale marchande (ou la sociale-démocratie qui lui permet de perdurer) dont nous sommes prisonniers. Il est l'un de nos geôliers, l'un des gardiens de notre prison mentale ». N'est-ce pas au nom de la sociale-démocratie qu'est encouragé ce vaste mouvement migratoire ? Jérôme SEGUIN