L'administration publique à perdu le sens de l'intérêt général !
5/5 Politique Magazine - N° 118 mai 2013
Directeur du think-tank iFRAP (fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), Agnés Verdier-Molinié vient de publier "60 millliards d'économies ! Oui...mais tous les ans," dans lequel elle passe l'administration française au crible : gestion calamiteuse des services de l'Etat, luttes de pouvoir entre collectivités territoriales ou corporatisme de ses agents...le tout au détriment des contribuables qui réglent la facture ! Une addition bien trop salée au goût d'Agnés Verdier-Molinié qui détaille avec rigueur les économies possibles, soit 60 milliards d'euros par an . Comment, En s'attaquant au surcoût dans la gestion courante des administrations publiques. La directrice de l'iFRAP revient également sur la fracture entre secteur public et secteur privé. Secteur public qui, au lieu d'être au service du contribuable, défend coûte que coûte ses intérêts corporatistes et a, de ce fait, perdu le sens de l'intérêt général.Cet esprit de corps tue dans l'oeuf toute réforme structurelle, pourtant aujourd'hui indispensable au vu de la situation économique et financiére de notre pays.
VOUS ÉVOQUEZ DANS VOTRE LIVRE "UNE BOMBE DE 18,6
MILLIARDS D'EUROS". IL S'AGIT DU MONTANT DES ÉCONOMIES RÉALISABLES DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE, OBJECTIF CLÉ DE VOÛTE D'UN RAPPORT DE L'INSPECTION GÉNÉRALE DES FINANCES COMMANDÉ PAR FRANÇOIS FILLON PEU AVANT SON DÉPART DE MATIGNON. COMMENT VOUS L'ÊTES-VOUS PROCURÉ ET QUEL EST SON CONTENU?
Un agent public courageux m'a permis de lire ce rapport de l'IGF dont le Tout-Paris connaissait l'existence sans pouvoir mettre la main dessus. Ce type de rapport
"vérité" n'est jamais publié ! C'est en effet l'un des seuls rapports à se pencher sur les économies réalisables dans la technostructure de l'État et de belle manière: il est chiffré et d'une précision remarquable.
Des tabous y sont brisés sur des sujets comme le supplément familial de traitement ou le blocage de l'avancement des personnels de l'État. Ce rapport de l'IGF est une "bombe" sur le surcoût du fonctionnement l'État et les économies réalisables (environ 18 milliards) sans baisser la qualité des services publics de l'État.
VOTRE LIVRE FOURMILLE D'EXEMPLES SUR CES PRIVILÉGIÉS DE LA
RÉPUBLIQUE, NOTAMMENT SUR LE POUVOIR QUE CERTAINS D'ENTRE EUX EXERCENT DANS LES MINISTÈRES. SI CES FONCTIONNAIRES ONT PRIS LE POUVOIR, UNE RÉFORME DES SERVICES DE L'ÉTAT EST ELLE ENVISAGEABLE ?
L'administration publique française, de vieille tradition, est programmée pour fonctionner avec ou sans ministre. De plus, les personnels des administrations publiques sont en place pour un temps long quand un ministre peut être révoqué en trois jours... Du coup, il n'est pas rare que des ministres n'arrivent pas à obtenir de documents relatifs à leurs ministères si leur administration décide de les bloquer. En cas de conflit avec son ministre de tutelle, l'administration fait le dos rond : toute tentative de réforme se heurte à cet écueil.
POURTANT, IL Y A EU DES TENTATIVES DE RÉFORMES, CELLE DE
LA RGPP PAR EXEMPLE...
La RGPP (révision générale des politiques publiques), mise en place sous le gouvernement Fillon, est un exemple particulièrement explicite de l'incapacité à réformer le secteur public. Il s'agissait de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Le problème, c'est que 70 % des économies ainsi réalisées ont été redistribuées aux administrations et aux fonctionnaires sous différentes formes, entre autre par des augmentations de salaire et des primes. Nos administrations
ont fait derailler une réforme qui allait pourtant dans le sens d'un allègement du coût du fonctionnement de la machine étatique.Le problème est avant tout le suivant : il n'y a pas d'objectif d'économies affiché ni de réflexion profonde sur les missions de chaque échelon public. Que doit abandonner l'État comme missions ? Qui doit s'occuper de l'éducation, de la culture, du tourisme, des transports ? L'organisation actuelle des périmètres d'action publique est entièrement à revoir.
VOUS ETES BEAUCOUP PLUS ENTHOUSIASTE SUR L'OPEN-DATA (LA
PUBLICATION DE TOUTES LES DONNÉES DES ADMINISTRATIONS
PUBLIQUES) QUI PERMETTRAIT DE RÉALISER DES ÉCONOMIES
CONSIDÉRABLES... DE QUELLE MANIÈRE?
L'ouverture des données publiques permet d'évaluer les politiques publiques. Encore faudrait-il que les administrations publient leurs rapports d'activités, mais elles sont nombreuses à refuser de le faire. Or, sans chiffres, impossible d'envisager la moindre réforme permettant de réaliser des économies. La transparence des données, qui a cours dans de nombreux pays, permet une efficience accrue des services publics.
PRÉCISÉMENT, LES SERVICES PUBLICS QUI ONT ÉTÉ PRIVATISÉS À
L'ÉTRANGER SONT-ILS EFFICACES ?
L'entreprise française Veolia gére des métros dans de nombreuses villes du globe (métro à Séoul et Stockholm, bus à Londres, etc.) avec succès. Quant à Keolis, filiale de la SNCF, elle vient de remporter un contrat de gestion des bus à las Vegas.Voici des exemples d'entreprises françaises qui pourraient gérer plus largement les services de transport en commun en France. On nous vante le sacro-saint modèle français que la terre entière nous envierait. Notre modèle est avant tout "plus cher". Les pays qui nous entourent bénéficient de services de qualité au moins égale pour un coût bien inférieur à celui des nôtres (de 60 milliards d'euros par an). Ce que, à la fois les élus, les administrations et les syndicats refusent d'admettre en France, au détriment des contribuables et des entreprises.
"Que doit abandonner l'Etat comme missions ? Qui doit s'occuper de l'éducation, de
la culture, du tourisme, des transports... ? L'organisation actuelle des périmètres d'action publique, est entièrement à revoir."
L'ADMINISTRATION PUBLIQUE DESSERT DONC LA FRANCE ?
Il y a une véritable fracture entre secteur public et secteur privé. Le premier tient le second - qui travaille tous les jours notamment pour le financer - en totale défiance. En tenant à tout prix à sauvegarder une organisation et un statut qui datent de l'après-guerre, l'administration publique a perdu la notion de l'intérêt général. C'est ce qu'explique très bien Didier Migaud, le Premier président de la Cour des comptes à qui Le Monde demandait pourquoi on a tant de mal à baisser les dépenses dans notre pays : "Le poids excessif des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général, la multiplicité des acteurs et des niveaux de décision", Le diagnostic est
là : faire des économies est possible. Maintenant il va falloir agir.
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