"Aux temps bibliques, les juifs croyaient que l'arrivée du Messie signifierait la royauté d'Israël. Au temps évangéliques, le Roi des Juifs fut crucifié pour son usurpation. Aux temps économiques, pour les nôtres qui ne sont plus que ça, l'arrivée du Messie se résume dans le cours de la Bourse. Un dieu nouveau, donnons-lui son nom le plus courant, l'Argent, est chevillé au coeur de l'humanité banale. Aujourd'hui, l'on vous en parle tous les jours, qui sont autant de ses dimanches.
Et nous autres, chrétiens, devenus les esclaves de ce qui est contraire à notre nature, nous nous inclinons devant ça ! C'est alors que les messianiques feront peur. Ils auront offensé un ciel, le leur, qui fait partie de tous nos cieux. Que ce peuple théologique et désigné par Dieu soit devenu le premier des matérialistes, je dis que c'est un grand désastre pour l'ensemble des peuples. Je dis même que c'est aussi désastreux pour l'harmonie du monde que la prosternation des chrétiens devant les idoles de l'oecuménisme. Je dis que le mépris de l'Ancien Testament est une faute aussi définitive que la dénonciation du Nouveau par ses héritiers naturels. Tous ces errants de Rome, qui s'en vont rechercher l'Eldorado des dieux exotiques, ne valent pas mieux que les danseurs du Sinaï devant leur idole.
A présent, ils sont eux-mêmes, chacun, l'idole, et nous dansons nous-mêmes devant eux. En reniant notre nature, comme des travestis, nous trahissons les hommes que nous sommes et ceux que nous avions la charge de racheter, de libérer, d'affranchir, de convertir : d'abord les messianiques. L'inverse maintenant se passe."
L'intime de Fraigneau, Blondin et Nimier s'est éteint le 1er mars 1998. Philippe Héduy nous laisse un chef-d'oeuvre d'imprécation anti-moderne dans la veine des grands polémistes chrétiens du début du siècle.