Vingt années, vingt courtes années, séparent la Première Guerre mondiale de la Seconde.
La Première avait fait six millions de morts. La Seconde en fera vingt-trois millions, et marquera l'abaissement durable de l'Europe au profit des Etats-Unis et de l'Union soviétique.
Cette période étonnante, pleine de confusions et d'illusions, où le destin ne cesse de frapper à la porte, est un mystère pour l'historien. Pourquoi les Alliés d'hier se sont-ils divisés ? Pourquoi la France, triomphante en 1918, est-elle devenue impuissante et isolée ? Comment a-t-on pu en arriver là ? Et comment a-t-on pu y arriver si vite, alors qu'on avait précisément cru tout faire pour qu'on ne puisse revoir "plus jamais ça".
Démembrant l'Empire des Habsbourg, créant à sa place des nations artificielles, comme la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, imposant à l'Allemagne des "réparations" financières insupportables, lui reprenant l'Alsace et la Lorraine, mais lui enlevant aussi, en plus de ses colonies, des territoires indiscutablement germaniques, les auteurs du traité de Versailles créaient toutes les conditions d'une nouvelle et définitive explosion.
La France, mettant tous ses espoirs dans un accord de la communauté internationale - la Société des Nations -, suivant aveuglément les consignes de l'Angleterre, recherchant des alliances purement défensives et souvent contradictoires, incapable de surmonter ses crises financières ou sociales, va d'échec en échec, et finalement se retrouve seule face à tous les autres pays qui, pour une raison ou pour une autre, jouent contre elle.
François-Georges Dreyfus est professeur émérite d'histoire contemporaine à la Sorbonne (Paris IV), après avoir été pendant trente ans enseignant à l'Université de Strasbourg où il a dirigé successivement l'Institut d'études politiques, le Centre des études germaniques, l'Institut des hautes études européennes.