"Du triomphe à la chute, il n'est qu'un pas", Napoléon. 15 août 1811 : la Saint-Napoléon, fête nationale de l'Empire, bat son plein. A Paris, Milan ou Amsterdam, des feux d'artifice et des concerts célèbrent en fanfare l'anniversaire du maître de l'Europe qui fête ses 42 ans et vient d'être père du roi de Rome, conférant au Premier Empire une légitimité dynastique dont il était jusque-là dépourvu.
Pourtant, les festivités sonnent étrangement faux. Les Français ont faim, souffrent de la crise économique et manifestent pour la première fois leur désaffection. A Naples, à Madrid, à Stockholm, des crises politiques couvent et l'autorité de "l'Aigle" est ouvertement contestée. A Londres, à Vienne, à Berlin, les dirigeants se préparent à une guerre prochaine entre la France et la Russie. Aux Tuileries enfin, Napoléon va lui-même gâcher la fête en insultant publiquement l'ambassadeur du tsar, le prince Kourakine.
La nouvelle de cet esclandre va se répandre comme une traînée de poudre en Europe et déclencher les préparatifs de la funeste campagne de 1812. Tournant majeur du règne, ce 15 août a marqué durablement les contemporains, avant de sombrer dans l'oubli. Jamais Napoléon n'avait été aussi puissant qu'en ce jour de triomphe qui, paradoxalement, marqua le commencement de sa fin. L'étude de cette journée particulière à l'échelle de l'Europe, menée à partir de sources inédites, offre une plongée dans les arcanes de la haute politique tout en proposant une analyse magistrale du système napoléonien et de ses failles.
Archiviste paléographe, docteur en histoire, Charles-Eloi Vial est conservateur à la Bibiliothèque nationale de France. Il a publié en 2018 La Famille royale au Temple, très remarqué, ainsi que Napoléon à Sainte-Hélène. Sa biographie de Marie-Louise a reçu le prix Premier Empire de la Fondation Napoléon en 2017.