UN BRÉVIAIRE ANTI-DÉGÉNÉRESCENCE Marc Rousset, connaisseur des problèmes de l'entreprise, donc économiste théoricien comme de terrain, s'attaque au Veau d'Or de notre civilisation en déclin, l'argent.
Attention : il ne nie pas, au contraire, l'utilité des signes monétaires, en tant que valeur d'échange. Cependant, il stigmatise, à l'aide d'exemples par centaines, faisant apparaître toutes les faces d'une redoutable aliénation, la terrible gangrène de notre société, ravagée par le consumérisme.
Il évite pourtant de sombrer dans le pessimisme, car il met en face du matérialisme de l'époque ce qui s'y oppose le plus, l'honneur, l'héroïsme, valeurs autrement plus durables que les « biens de ce monde ».
Avec Marchands et Héros, Werner Sombart, auteur allemand précédé de l'extraordinaire Nietzsche dont le Surhomme sidère toujours, a confronté au début du XXe siècle des modes de pensée et vie absolument contradictoire.
Pierre Le Vigan, dans Polémia, l'a souligné avec vigueur. La messe était dite ? Pas du tout. Car Marc Rousset n'a pas laissé un seul coin d'ombre dans les voies de l'héroïsme, en dégageant les multiples manifestations de l'Antiquité à nos jours. Il en suit de même l'antithèse, dont il traque les méandres, de la cupidité brutale au culte du "bonheur", but suprême, qui marque ce début de millénaire. De la mythologie aux religions monothéistes, Islam compris, aux penseurs d'action du présent. Parmi les philosophes à l'oeuvre parmi nous, il se penche sur un Peter Sloterdijk, continuateur par certaines pistes d'un Heidegger, tout en partant de Platon.
Marc Rousset confronte Maurice Genevoix, ou Charles Péguy, ou Antoine de Saint-Exupé¬ry, avec Ernst Jünger, n'omettant ni points communs, ni différences, dans la galerie héroïque.
Sans jamais fatiguer le lecteur, il fournit une masse de citations, placées aussi bien dans une rubrique sport que guerrière ou médicale, aussi bien que purement littéraire.
Ainsi dépoussière-t-il Corneille ou Baltasar Gracian, sans jamais lasser, chose étonnante. Il excelle dans ses notations sur la situation présente, nous décrit toutes les facettes de l'avilissement par l'abus d'argent, dégage les tares contemporaines, de leur clinquant pour en étaler le néant.
Bien plus qu'un ouvrage polémique de circonstance, il s'agit là d'une véritable encyclopédie, dénuée de prétention et d'autant plus efficace, car susceptible d'être entamée par n'importe quel bout sans égarer ni ennuyer.
On admirera l'objectivité de l'auteur, qui ressuscite le capitaine de corvette Bertrand de Saussine, mort pour la France du Maréchal Pétain, de même que des communistes de l'époque, et des gaullistes.
Ses réflexions sur l'héroïsme militaire s'avèrent d'une brûlante actualité. « Adieu l'Argent-Roi ! » n'impose rien au lecteur, il lui procure ce dont il a besoin pour comprendre où il se situe, et pour mieux se définir dans le fouillis des modes de pensée hétérogènes de la deuxième décennie du XXIe siècle.
Nicolas TANDLER www.rivarol.com
Rivarol, n°3268, 02 février 2017 - 07/02/2017